Lever les yeux #2
- avril 28, 2022
- de
- Dafne Garnier
Une série d’articles vous invite à vous balader dans le musée et alentour, les yeux levés, à la découverte de ses richesses.
Le Musée Ariana regorge de trésors, dans ses collections évidemment, dans ses expositions bien entendu, mais également dans son architecture ! Les visiteurs les plus avertis l’auront sans doute remarqué, aucun détail du bâtiment n’est laissé au hasard. En témoigne le plafond du rez-de-chaussée de l’aile Sud, qui comporte quatre caissons peints représentants des scènes allégoriques des Quatre saisons.
Ces peintures ont été réalisées sur commande de Gustave Revilliod (1817-1890), fondateur du musée, par le peintre genevois Frédéric Dufaux (1852-1943) lors de la construction de l’édifice (1877-1884). Il est à l’époque un jeune peintre et sculpteur, ayant effectué sa formation à l’École de dessin de Genève, où il a été élève de Barthélemy Menn (1815-1893), puis à l’Académie des Offices à Florence sous la direction du peintre Luigi Rubio (1808-1882). Il a également séjourné à Paris entre 1876 et 1891.
Les Quatre saisons
Les personnages représentés sur les panneaux des Quatre saisons sont inspirés des divinités antiques païennes.
Le Printemps s’inspire en effet directement de la figure de Vénus : symbole de la féminité et de la beauté, il prend les traits d’une jeune femme plantureuse, campée ici dans un décor de jardin luxuriant au pied duquel coule une source. Elle est entourée de nombreux putti (angelots représentés sous les traits d’enfants) qui la parent de couronnes et de guirlandes de fleurs, et de roses en particulier. La rose est par ailleurs l’attribut de Vénus, au même titre que la colombe, qui surplombe la jeune femme.
L’Été évoque quant à lui davantage l’image de la nymphe dans un décor de baignade, non sans rappeler le mythe de Diane.
La représentation de L’Automne reprend l’iconographie de Bacchus : un jeune homme couronné de feuilles de vigne, buvant dans une coupe, accompagné d’une chèvre et de satyres. Les grappes de vin, les pieds de vigne et la peau de panthère sont autant d’attributs qui permettent de reconnaître le dieu du vin.
Le quatrième caisson présente une scène se déroulant toujours dans un paysage extérieur, mais cette fois-ci quelque peu hostile et sec. En effet, L’Hiver représente un vieillard se réchauffant au coin d’un feu, sous un abri de fortune. Les putti visibles dans les autres représentations ont ici les traits d’enfants et ont revêtu des vêtements pour faire face à la rudesse de la saison. L’apport constant de bois (regardez donc les deux putti sur la droite qui reviennent les bras chargés) semble être une condition indispensable pour maintenir un feu suffisamment ardent et combattre le froid.
Vous noterez que, pour l’ensemble de ces scènes, les drapés occupent une place importante de la représentation, et que la végétation est omniprésente.
Il est intéressant de préciser que l’iconographie des Quatre saisons est directement inspirée du même recueil de gravure que les représentations des Métamorphoses d’Ovide. Édité à Paris entre 1767 et 1771, cet ouvrage est le fruit du travail des dessinateurs Charles Eisen et Charles Monnet, et des graveurs Noël Le Mire, Pierre-François Basan et Pierre-Philippe Choffard.
Le bâtiment du Musée Ariana recèle encore bien des surprises : les ailes Nord et Sud du bâtiment ne sont pas les seuls emplacements à être dotés de plafonds peints par Frédéric Dufaux, d’autres salles du rez-de-chaussée en sont pourvues :
– La salle de Faïence européenne (salle 1.1) présente une illustration de L’Enlèvement d’Europe, d’après Véronèse.
– La salle Bleu-Blanc (salle 1.2) – dont les contenus ont très récemment été repensés – montre un motif classique du répertoire ornemental chinois, un Dragon poursuivant la perle enflammée.
– La salle Orient-Occident (2.2) possède une représentation du Char d’Aurore, qui, selon le catalogue de Godefroy Sidler de 1905, est une copie d’après Le Guerchin.
Tous ces éléments de décor – et bien d’autres encore – feront l’objet de nouveaux articles sur le blog au fil des prochains mois. D’ici-là, n’hésitez plus désormais à lever la tête, vous ferez probablement de belles découvertes !
Premier volet de cette série à retrouver grâce au lien suivant : https://blog.musee-ariana.ch/lever-les-yeux-1/
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Légendes et copyrights :
Image de titre : © Musée Ariana, Boris Dunand
Fig. 1a-4a
Frédéric Dufaux (1852-1943)
Peintures murales, 1877-1884
1a. Le Printemps
2a. L’Été
3a. L’Automne
4a. L’Hiver
Musée Ariana, aile Sud (non inventoriées)
© Musée Ariana, photo : Luca Fascini
Fig. 1b-4b
Estampes dans « Illustrations des Métamorphoses » d’Ovide,
Tome I. Livre III
Dessins par Jean-Michel MOREAU (1741-1814), Charles EISEIN (1720-1778), Charles MONNET (1732-180.?) [et al.] ; gravures par Noël LE MIRE (1724-1800), Pierre-François BASAN (1723-1797), Pierre-Philippe CHOFFARD (1730-1809) [et al.]
[Cote : BnF microfilms R 78409-78410-78411-78404]
1b. Le Printemps, saison où tout renaît dans la Nature
2b. L’Été, saison riante et autant utile que belle
3b. L’Automne, saison où triomphe Bacchus
4b. L’Hiver, qui quoiqu’utile à la Nature, la prive de ses beautés
© Bibliothèque nationale de France