La médiation numérique : un univers riche en pleine exploration
- août 24, 2022
- de
- Sophie Wirth Brentini
L’Ariana est un musée joueur, il aime expérimenter et les mondes numériques sont des terrains de jeu très tentants. Ils sont de surcroît en plein essor. La définition même du numérique au musée pourrait être le sujet d’un article à lui seul puisqu’il se trouve bien entendu déjà dans toutes les spécialités professionnelles œuvrant au sein des musées. Les secteurs de l’administration, des infrastructures et de la conservation des collections n’ont rien à envier aux sphères plus visibles que sont la communication ou la médiation culturelle. Les collections en ligne illustrent parfaitement la complexité des interconnexions entre les domaines et des enjeux qui en découlent. Penchons-nous ici plus spécifiquement sur les dispositifs qui permettent d’enrichir l’expérience muséale tout en améliorant de plus son accessibilité.
L’Ariana peut être joueur, néanmoins ses moyens n’ont jamais été illimités. Ces deux caractéristiques associées offrent cependant un champ fertile à l’expérimentation. C’est ainsi que les trois jeux numériques mis à la disposition de nos publics ces dernières années explorent chacun des technologies différentes. Orphéa et le monde magique de la céramique, pour les plus petits est un livre numérique qui les guide dans leur visite tout en jouant.
Les dernières avancées du format Epub l’ont rendu interactif. La chasse au trésor numérique pour les plus grands (dès huit ans) – et qui s’est révélée aussi intrigante pour les adultes que pour les enfants – est une invitation à la découverte de l’histoire de la céramique à travers un voyage proposé sur une application numérique.
Enfin, le jeu événement grandeur nature Pyrim de Cobalt – Un mystère à l’Ariana a été pérennisé sous forme hybride par l’intermédiaire d’un livret-jeu utilisant très simplement le système de QR codes pour emmener les plus aventuriers dans une enquête palpitante !
La mise en œuvre de ces propositions numériques a souvent été provoquée par la saisie d’opportunités, afin de répondre au plus vite à des manques manifestes : par exemple la traduction des textes de vitrines et de salles, jusqu’alors uniquement en français, pour nos visiteurs qui, avant la pandémie, étaient de provenance internationale à hauteur de 70 pourcents.
La direction du Musée Ariana n’a ainsi pas attendu la mue du dicastère dont elle dépend en Département de la Culture et de la transition numérique pour se doter d’une feuille de route en la matière : au printemps 2020, en plein confinement, la médiation culturelle a décidé de s’interroger sur le potentiel du multimédia. La céramique est un art sollicitant les sens et les propositions numériques, une réelle valeur ajoutée à sa découverte en musée pour en compléter l’expérience.
La réflexion approfondie qui s’est engagée alors s’est poursuivie en 2021 et portera ses fruits dès 2022. De ces réflexions résulte un positionnement simple ayant pour souci le respect du musée et de ses ressources, tout en diversifiant et en enrichissant l’accès aux informations et à la connaissance. Évitons à tout prix l’écueil de la surabondance qui viendrait bien sûr submerger les visiteurs et empêcher leur appréciation directe du lieu et des objets présentés, tout en étant évidemment questionnable sur le plan des enjeux climatiques.
Pour le Musée Ariana il s’agissait en premier lieu de choisir un appareil multimédia pour remplacer son audioguide désormais obsolète et d’agrémenter sa visite d’une offre interactive et inclusive, sobre et enrichissante, au gré d’un parcours appelé à évoluer au fil du temps.
Aujourd’hui, nous sommes en effet loin des salles d’exposition immuables d’antan. Permanentes ou temporaires, les expositions changent et les expériences qui les accompagnent aussi. Il s’agissait donc de trouver un outil modulaire et modulable répondant à la fois à ce dynamisme et aux moyens à disposition. Il devait être accessible aux publics en situation de handicap et faciliter une expérience plus immersive par le biais de la vidéo ou encore de la diversification des parcours de visite : visites de durées variables, thématiques, parcours ludiques pour les plus petits… pour n’en citer que trois exemples.
L’intégration de dispositifs numériques dans les salles d’exposition elles-mêmes était une autre perspective à étudier. Tout en apportant des contenus autrement inaccessibles, ils dynamisent la visite et diversifient les approches cognitives. Mais le Musée Ariana reste vigilant : ces outils et leur multiplicité peuvent aussi devenir envahissants et épuisants ou empêcher le contact direct du visiteur avec la pièce de collection et avec un patrimoine, soit la valeur même de l’expérience in situ d’un bâtiment historique à l’esthétique hors du commun et riche d’une des collections de céramique les plus importante d’Europe. Évitons à tout prix le gadget.
D’un point de vue organisationnel, ces nouveaux dispositifs provoquent de surcroît une évolution dans les modes de travail et de collaboration invitant au musée des professions nouvelles et des modes de réflexion innovants. Aussi bien initiés par le secteur de la communication que par celui de la médiation culturelle (voir le précédent article de l’auteur), les projets de médiation numérique demandent un modus operandi complètement transversal et transparent. Le développement du numérique au musée touche forcément conjointement aux réalités de la conservation d’un patrimoine et de collections, à celles de nos infrastructures et des attentes de nos publics. La réalisation d’un projet de cette envergure commence très tôt en intégrant tout le monde et invite à la découverte de dimensions professionnelles nouvelles. Formation, information et communication sont et resteront primordiales pour assurer un accueil de qualité à nos publics. Enfin, ces nouveaux territoires en cours d’exploration feront appel à de nouvelles formes de médiation culturelle. Il s’agira bien de travailler de façon complémentaire, en gardant au centre de nos préoccupations les valeurs de la rencontre humaine.
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Important : les jeux ne sont plus à disposition actuellement. Le réaménagement de salles de la collection de référence a conduit à inventer de nouvelles propositions numériques. Elles seront à découvrir dès cet automne ! Pour être tenus au courant de leur mise à disposition, n’hésitez pas à vous inscrire à la Lettre d’information du musée.
- Orphéa – Projet réalisé par Transmii Studio pour le Musée Ariana sous la supervision de Sophie Wirth Brentini et Hélène de Ryckel ; Histoire : Benoît Renaudin et Baptiste Milesi, Illustrations : Baptiste Milesi ; Design Graphique, interaction et programmation : Tammara Leites
- Pyrim de Cobalt : concept et projet réalisé par Gus&Co sous la supervision de Sophie Wirth Brentini ; graphisme : Fabien Cuffel
- Geologix : Projet réalisé par la société Spoutnik sous la supervision d’Hélène de Ryckel et Isabelle Payot Wunderli