Qui sont les visiteurs du Musée Ariana au 19e siècle ? #2
- avril 06, 2023
- de
- L'invité de l'Ariana
par Barbara Roth, archiviste et historienne
À côté des personnes qui visitent l’Ariana individuellement, ou en famille, ou avec des amis, les registres de visiteurs mettent aussi en lumière des évènements collectifs.
L’hospitalité de Gustave Revilliod était légendaire ; il accueillait volontiers des groupes de visiteurs pour des rencontres spéciales agrémentées de réceptions dans le parc de Varembé. Le 14 juin 1885, c’est la Société des Vieux-Grenadiers qui est reçue avec ses 50 membres, alors que le 26 septembre 1886 a lieu la « fête champêtre » de la Société des voyageurs de commerce de la Suisse romande. Le 27 juillet 1889, Revilliod, très intéressé par les arts appliqués, accueille de « Ve Cours normal suisse de travaux manuels » avec des participants venus de toute la Suisse. Comme dans un livre d’or, les signatures remplissent densément les pages du registre.
Une seule exception : une page entière est dégagée pour laisser la place à l’inscription d’une visiteuse distinguée, l’ex-reine d’Espagne Isabelle II, qui parcourt le musée avec une petite suite le 7 septembre 1887. Fille aînée du roi Ferdinand VII, Isabelle II (1830-1904) occupa le trône d’Espagne de 1833 à 1868, au cours d’une règne mouvementé auquel mit fin une révolution. Elle passa le reste de sa vie en exil en France, non sans faire quelques voyages. Elle est en Suisse en été 1887 ; on l’aperçoit sur le Righi le 31 août en compagnie de la princesse impériale Stéphanie d’Autriche (Gazette de Lausanne, 3 septembre 1887). Elle se rend ensuite à Genève. La rubrique du Journal de Genève intitulée « Etrangers de distinction » nous apprend que « L’ex-reine Isabelle d’Espagne est arrivée dans notre ville. Elle voyage sous le nom de Comtesse de Tolède et est descendue à l’Hôtel de la Métropole, où elle occupe le même appartement qu’en 1870 » (journal du 6 septembre). La visite de l’Ariana fait donc partie de son programme !
Le dimanche 14 juillet 1889, c’est la Fête nationale française : « La fête organisée par la colonie française avait déjà commencé samedi par un tir au stand de la Coulouvrenière, et dimanche matin un cortège s’est formé sur la place de Cornavin pour se rendre à la campagne de M. Gust. Revilliod, gracieusement mise à la disposition du comité. M. Revilliod attendait le cortège sous le péristyle de l’Ariana. M. Laboussinière se fait l’interprète de la colonie française pour le remercier de sa bienveillance. M. Revilliod réplique en disant qu’il est heureux de recevoir les membres de la colonie. L’Union musicale française joue l’hymne national suisse, puis la foule pénètre dans l’Ariana, où M. Revilliod offre le vin d’honneur à ses hôtes » (Journal de Genève du 16 juillet 1889).
De là à imaginer que Gustave Revilliod et son musée s’inscrivent dans la diplomatie informelle de Genève – on dirait aujourd’hui le « soft power » – il n’y a qu’un pas !
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