Le musée aux musiciennes et musiciens !
- juillet 07, 2023
- de
- Sabine Lorenz Schmidt
En se promenant dans le parc du Musée Ariana le week-end des 17 et 18 juin, le public pouvait entendre la musique résonner à travers les grandes fenêtres du musée.
À l’entrée, dans le grand hall, onze musiciennes et musiciens de la Haute école de musique de Genève (HEM) avaient donné rendez-vous au public. Le concert imaginaire « Caroline Boissier-Butini et la vie musicale à Genève au 19e siècle » déployait ses notes. Grâce à un partenariat entre cette école et le musée, les élèves présentaient un programme à la fois inédit et original, permettant de faire sortir de l’ombre des partitions qui dormaient dans les bibliothèques depuis longtemps.
Dans le cadre du réaménagement de deux espaces du musée, le Salon Revilliod et la Salle Helvetica, en 2022, l’idée d’un concert illustrant le contexte culturel de la vie des salons par la musique avait fait son chemin.
La vie musicale à Genève au 19e siècle est encore mal connue. Quel répertoire écoutait la haute bourgeoisie genevoise de la Vieille-Ville à l’époque de Gustave Revilliod ?
Le concert a été conçu autour de l’œuvre de Caroline Boissier-Butini, une des rares compositrices genevoises de cette époque, tout en mettant en évidence des partitions des compositeurs genevois du courant du 19e siècle, eux aussi souvent oubliés.
Le Küchenkonzert de Henri Kling (1842-1918) ouvrait ce moment musical, une pièce pour piano et une ribambelle d’ustensiles de cuisine, clin d’œil plaisant à notre musée de la céramique et du verre. Les élèves ont emporté avec humour le public par le cliquetis des casseroles, verres et pots à lait !
Un moment de médiation en interaction – après une conférence introduisant les œuvres – permettait aux élèves de partager avec le public leur point de vue par rapport au répertoire inédit et d’évoquer l’ambiance de ce lieu de concert inhabituel. La découverte de l’œuvre de Caroline Boissier-Butini (1786-1836) a donné lieu à un échange autour de l’absence des compositrices dans les programmations, voire de leurs successeurs masculins, souvent très apprécié au 19e siècle mais également tombés dans l’oubli. Un élève a même suggéré de créer un prix dédié aux compositrices et compositeurs genevois de cette époque.
Le cadre muséal permettait de lier l’architecture et les collections au répertoire. Cet aspect s’est révélé intéressant pour les interprètes, à la recherche de clés de lecture pour l’interprétation des œuvres de telle ou telle époque. La proximité entre la scène et le public fut également relevée, une expérience enrichissante et rarissime dans les salles de concert où public et musiciens sont séparés.
Le Divertissement avec rondo alla polacca de Caroline Boissier-Butini, un choix de Lieder de Hugo Senger (1835-1892), le Trio en la majeur op.69 du pianiste virtuose Sigismund Thalberg (1812-1871), comme Hugo de Senger d’origine allemande, et l’interprétation sublime du poème Larmes du symboliste Albert Samain, mis en musique par Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950), toutes ces pièces mettaient en avant une diversité inattendue de la création genevoise. Henri Kling avait l’honneur de clore ce concert imaginaire avec deux mouvements du Sextuor pour flûte, clarinette, basson, violon, alto et violoncelle, un vrai feu d’artifice de fin. Signalons au passage que le concert avait lieu dans le cadre des examens de fin d’année.
Le concert a séduit le public par l’extraordinaire qualité d’interprétation des morceaux du répertoire genevois. La complicité et l’interaction entre les musiciennes et musiciens et leur plaisir de se produire dans un lieu inhabituel faisaient de cet événement musical un moment sublime et exceptionnel.
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Copyright des photos : © Musée Ariana, Boris Dunand