L’Ariana à la conquête du public adolescent !
- juin 17, 2021
- de
- Laurence Ganter
Un article co-signé avec Carole Maystre, chargée du programme connaissances des publics
Depuis quelques semaines, le Musée Ariana s’est embarqué sur TikTok et a parallèlement lancé sur ses comptes Youtube, Facebook et Instagram une nouvelle websérie à l’attention des adolescent.e.s avec, dans le rôle principal, Violette, 14 ans !
Pourquoi diable un musée de la céramique et du verre s’embarque-t-il sur TikTok et réalise-t-il une web-série en 3 épisodes à l’attention du public adolescent ? Pour présenter les contours de son exposition actuelle Chrysanthèmes, dragons et samouraïs, le Musée Ariana fait le pari que la céramique japonaise peut intéresser tout un chacun pour autant que le médium s’adapte à son destinataire. Proposer des contenus à haute teneur pédagogique, pour un public adolescent et à priori non connaisseur, tout en utilisant une forme légère et naturelle de récits et en s’attachant aux codes de cette génération, telle est la nouvelle voie privilégiée pour toucher ce public que l’on a souvent qualifié dans la littérature de la sociologie de la culture par « non-public ».
Les raisons pour lesquelles les 14-25 ans boudent les musées d’art sont multiples. À ce titre, l’enquête sur la langue, la religion et la culture (OFS- 2019) dirigée par Moeschler et Herzig nous éclaire sur les principaux obstacles à la fréquentation de lieux et d’événements culturels en général. Les 15 ans et plus domiciliés en Suisse citent majoritairement le manque de temps, le manque d’argent, le manque d’intérêt et les distances à parcourir ; près d’un quart des personnes estime « ne pas s’y sentir à sa place ». Passer la porte d’un musée n’est symboliquement pas anodin : suis-je légitime, est-ce que mon niveau de connaissance est suffisant ? D’autres études mettent en avant des freins spécifiques à cet âge de la vie, à savoir que pour les adolescent.e.s, le musée est fortement associé aux deux instances que sont l’école et la famille, desquels ils voudraient notamment s’affranchir. Enfin de derniers freins plus difficilement quantifiables mais tout autant difficiles à surmonter concernent la représentation que l’on se fait du musée comme culture élitiste ou classique, où l’ennui n’est jamais bien loin…
Comment dès lors transformer la représentation que les adolescent.e.s se font du musée ? La communication digitale par les réseaux sociaux peut apporter une première réponse. Les adolescent.e.s d’aujourd’hui sont les vrais « digital natives », ou « génération Z » ; nés après 1996, ils n’ont jamais connu un monde sans internet et les nouvelles technologies font partie de leur quotidien. La stratégie pour les musées serait donc d’aller à la rencontre des adolescent.e.s sur leur propre terrain. On se situe ici dans le développement non pas d’un public in situ mais d’un public virtuel ou en ligne de 14 à 25 ans. Exister dans l’imaginaire des jeunes même virtuellement permettrait de démystifier le musée et ses représentations mitigées. Expérimenter de nouvelles formes de transmission pour susciter un intérêt, une curiosité et pourquoi pas, in fine, les motiver à franchir la porte du musée pour de vrai !
Le Musée Ariana a lancé son compte TikTok www.tiktok.com/@museeariana, les utilisateurs et utilisatrices de cette plateforme découvrent au fil des semaines des mini vidéos de moins de 59 secondes avec Manon Weber, médiatrice culturelle du musée, qui commente avec fraîcheur et un brin d’humour des œuvres de la collection japonaise. En parallèle, le public retrouve une nouvelle websérie avec dans le rôle principal, Violette, une jeune visiteuse, qui part à la découverte de la céramique japonaise aux côtés des commissaires de l’exposition Chrysanthèmes, dragons et samouraïs Ana Quintero Pérez et Stanislas Anthonioz. Pour visionner la websérie : https://youtu.be/pRT9Spbs7JE / |
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Pour aller plus loin dans cette réflexion sur le public adolescent dans les musées, quelques références :
Moeschler O., Herzig A., Les Pratiques culturelles en Suisse. Principaux résultats 2019 et comparaison avec 2014, Office fédéral de la statistique (OFS), Neuchâtel, 2020
Nouvellon M., Jonchery A., Musées et adolescents : l’impossible médiation ? Une enquête à l’intérieur et autour du Centre Pompidou, Presses de Sciences Po, in « Agora débats/jeunesses », n° 66, Paris, 2014
Céroux B., Crépin C., Rapports aux loisirs et pratiques des adolescents, in « Politiques sociales et familiales », n°111, 2013
Dahan C. (dir.), Les Adolescents et la culture, un défi pour les institutions muséales, INJEP, coll. «Cahiers de l’action», n°38, Paris, 2013
Timbart N., Les Adolescents et les musées, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire. coll. « Cahiers de l’action », n°38, Paris, 2013
Couillard N., Nouvellon M., À la rencontre des adolescents en ligne ? L’enjeu du numérique pour la médiation culturelle, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire. coll. «Cahiers de l’action», n°38, Paris, 2013
Octobre S., Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ?, Ministère de la Culture – DEPS | « Culture prospective » n°1, Paris, 2009
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Copyright des illustrations : © Musée Ariana